La Toussaint

(G. Ruiz 1971)


 Au temps de la Toussaint, c'est dans le cimetière,
Un renouveau de vie, de vieux qui s'y affairent,
Auprès de tombes usées, dépolies par les cieux,
Formant entre les pierres un ballet silencieux.

 Ils nettoient la demeure de ceux qu'ils ont aimés.
Dans leur cœur engourdi , une flamme s'éveille,
En donnant à celui qui s'en alla la veille,
Cette ultime tendresse des gestes ménagers.

 Des souvenirs reviennent, arrachés par l'effort,
Comme  une chaude sève ranimant leur  vieux corps.
- Novembre, souviens-toi, nous préparions l'hiver,
Toi , tu fendais le bois en sifflotant un air.
L'automne sentait bon l'humus et le foin mûr,
Nous vivions au jardin. - C'était hier bien sûr !

 Et c'est au soir tombant, des attentions secrètes,
De feuilles qu'on enlève, de pierres que l'on jette,
De marbres que l'on lave avec  un petit seau,
De plantes  qu'on dépose ou que l'on met en pot.
L'ombre des croix s'incline pour les remercier,
Du modeste cadeau qui décore leur pied.
Les vieux prient maintenant, puis rentrent lentement
Au gîte où désormais , personne ne les attend.


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