Absence

(G. Ruiz 1972)

 J'ai traversé un royaume grouillant,
Où mes pieds s'engluaient aux serpents,
Dans des fleuves aux molles cataractes,
Où mon corps glissait sur des pentes plates,
Lisses, chaudes, puis soudain hérissées,
D'échardes froides de vitre et d'acier.

 Et mes yeux cherchent dans la multitude,
Un regard ouvert sur ma solitude.

 Et mon corps vertigineux descendait,
Comme un forcené il se démenait,
Et je le sentais soudain s'engloutir,
Dans le bouillonnement du délire.
Des obstacles invisibles l'écrasaient,
Et des cimes ardentes le traversaient.

 J'ai traversé un royaume grouillant,
Où mes membres s'accrochaient au néant,
Dans le fracas muet de la souffrance,
Un pays peuplé de sa seule absence,
Déchirante, écartelant mon corps,
Dans l'attente infinie de l'aurore.

***