Tonton
G. Ruiz. Chilly 1992

 Tonton tu nous as eus,
Toi vieux célibataire,
La dame au nez camus,
A su comment te plaire,
Devant  Monsieur le maire,
Au bas du parchemin,
Un foutu soir d’hiver,
Tu as posé ton seing.

 Le sien  était gravé
Depuis déjà des lustres,
Mais toi vieil entêté
Qui passait pour un rustre,
Toi le plus courageux
A fuir devant ses charmes
Soudain ferme les yeux
Et dépose les armes.

 Pauvres de nous, neveux,
A qui tu inculquas,
Les règles d’or du jeu,
Les joies du célibat,
Convaincus qu’à jamais,
Tu prônerais l’exemple
De l’amour- liberté
Qui de mariage exempte.

 Mais tout laissait prévoir
Un pareil dénouement,
Car enfin c’est notoire,
Tu la chantais souvent,
Depuis prime jeunesse,
Tu rêvais en amant,
De cette noire maîtresse
A ton corps défendant.

 C’est une ravageuse,
Comme l’on en fait plus,
Mais aussi partageuse,
Elle te fera cocu,
Avec la terre entière
Et même tes neveux,
Liant à l’adultère
L’acte incestueux.

 Alors quand nous ferons
Partie de la famille,
Changerons-nous Tonton
Notre philosophie ?
Toi le chantre moqueur
Du mari abusé,
Comprends notre stupeur
Devant cet hyménée.

 Bien que tu aies omis,
De tous nous inviter,
A ton mariage qui,
Certes, nous eût peinés,
Nous conservons de toi,
L’image éternelle,
D’un oncle de surcroît
Père spirituel.

 Tonton tu nous a eus,
Toi vieux célibataire,
La dame au nez camus,
A su comment te plaire,
Tonton ton âme sœur
T’a bientôt enlevé,
Comprends notre douleur

Et notre cœur brisé.

***