La ville

G. Ruiz. Créteil 1983

 Quand les étoiles tissent une toile
de diamants verts sur velours noir,
la ville saoule, baille et s’affale,
le long des rues et des boul’vards.

 Une sirène d’ambulance
éclate un instant au carrefour,
et puis retombe le silence,
sur les quartiers et les faubourgs.

 La ville est une vieille pocharde
qui se couche frileusement.
Secouant ses frusques, ses hardes,
son toit c’est tout le firmament.

 La lune lorgne les lumières
des tristes et pâles lampadaires,
éclairant des chiens débonnaires
qui lèvent la patte et pissent en l’air.

 Y’a des relents de frites et d’ail,
dans les poubelles sur les trottoirs.
Sous un toit, un môme qui piaille,
et plus loin le chant d’un clochard.

 Les grands boul’vards s’encanaillent,
les belles sont en plein turbin,
le jardin public s'emmouscaille,
les bambins reviendront demain

 Et sur tout ça le ronflement,
De la vieille ville qui s’endort,
Et qui se fout éperdument,
Du beau ciel noir pailleté d’or.

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