Regrets Extrait du poème “ Le testament” de François Villon, mis en musique par Gérard Ruiz. ...Je plains le temps de ma jeunesse, Auquel j’ai plus qu’autre galé Jusqu’à l’entrée de vieillesse Qui son partement m’a celé. Il ne s’en est à pied allé N’à cheval : hélas ! comment don ? Soudainement s’en est volé Et ne m’a laissé quelque don. Allé s’en est, et je demeure, Pauvre de sens et de savoir, Triste, failli, plus noir que meure, Qui n’ai ni * cens, rente, n’avoir : Des miens le moindre, je dis voir, De me désavouer s’avance, Oubliant naturel devoir Par faute d’un peu de chevance... ...Hé ! Dieu, si j’eusse étudié, Au temps de ma jeunesse folle, Et à bonnes mœurs dédié, J’eusse maison et couche molle, Mais alors ?* je fuyais * l’école, Comme fait le mauvais enfant ; En écrivant cette parole A peu que le cœur ne me fend... ...Où sont les gracieux galants Que je suivais au temps jadis, Si bien chantants, si bien parlants, Si plaisants en faits et en dits ? Les aucuns sont morts et raidis*, D’eux n’est - il plus rien maintenant : Repos qu’ils* aient en paradis, Et Dieu sauve le demeurant ! Et les autres sont devenus, Dieu merci! grands seigneurs et maîtres ; Les autres mendient tout nus Et pain ne voyent* qu’aux fenêtres ; Les autres sont entrés en cloîtres De Célestins et de Chartreux, Bottés, housés com pêcheurs d’oîtres : Voyez l’état divers d’entre eux ! Pauvre je suis de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace ; Mon père n’eut oncq grand richesse Ni son aïeul, nommé Horace ; Pauvreté tous nous suit et trace ; Sur les tombeaux de mes ancêtres, Les âmes desquels Dieu embrasse ! On n’y voit couronnes ni sceptres. De pauvreté me garmentant, Souventes fois me dit le coeur : “ Homme, ne te doulouse tant Et ne demaine tel douleur, Si tu n’as tant que Jacques Cœur : Mieux vaut vivre sous gros bureau Pauvre, qu’avoir été seigneur Et pourrir sous riche tombeau !” ...Si ne suis, bien le considère, Fils d’ange portant diadème D’étoile ni d’autre sidère. Mon père est mort, Dieu en ait l’âme ! Quant est du corps, il gît sous l’âme. J’entends que ma mère mourra, El le sait bien la pauvre femme, Et le fils pas ne demourra. Je connais que pauvres et riches, Sages et fols, prêtres et lais, Nobles, vilains, larges et chiches, Petits et grands, et beaux et laids, Dames à rebrassés collets, De quelconque condition, Portant atours et bourrelets, Mort saisit sans exception. ...Si prie au benoist fils de Dieu, Qu’à tous mes besoins je réclame, Que ma pauvre prière ait lieu Vers lui, de qui tiens corps et âme, Qui m’a préservé de maint blâme Et franchi de ville puissance, Loué soit-il, et Notre-Dame, Et Louis, le bon roy de France !